Les informations collectées pendant une rétrospective constituent des données de terrain, des données empiriques dont l'exploitation peut produire de la connaissance. Encore faut-il savoir comment... et pourquoi.
Quand on parle de "connaissance" dans ce domaine, l'une des questions importantes est de savoir quels enseignements généralisables on peut tirer de notre propre expérience.
Une ou plusieurs rétrospectives peuvent nous apprendre des choses comme: "quelle que soit l'heure que nous fixons pour la réunion quotidienne Bob a toujours 10 minutes de retard", ou bien "les repas de fin d'itération ne sont pas très motivants parce qu'on ne trouve pas de resto sympa dans le quartier". Ces informations peuvent être utiles localement - elles peuvent susciter des décisions appropriées - mais on aura du mal à les généraliser: à en tirer quelque chose d'utile pour d'autres projets ou pour d'autres entreprises.
Un enseignement qui se généralise bien pourra souvent s'exprimer sous la forme d'une règle, d'un mécanisme, ou d'un principe: "à chaque fois que A on observe B", ou "dans un contexte caractérisé par X, la pratique Y est plus bénéfique que la pratique Z".
On pourrait établir une hiérarchie des moyens utilisés pour traiter des données empiriques de terrain, selon l'opportunité qu'elles offrent d'en tirer des conclusions généralisables:
- une unique rétrospective d'itération ne permet que de formuler des hypothèses - elle concerne des éléments très ponctuels, qu'il est difficile de généraliser même s'ils sont localement utiles
- l'accumulation de plusieurs rétrospectives d'itération, voire une rétrospective de projet, permet de tirer des conclusions plus claires sur le fonctionnement d'une équipe en particulier: on peut espérer qu'elles se généralisent à de futurs projets confiés à cette même équipe
- la comparaison entre les expériences de plusieurs équipes au sein d'une même entreprise (souvent formalisée par un retour d'expérience) permet de dégager des conclusions plus robustes: si plusieurs équipes ont des expériences convergentes (par exemple "le binômage est une pratique efficace") on peut penser que ces observations s'expliquent par des raisons qui ne dépendent pas de l'équipe (mais peuvent dépendre de facteurs locaux, comme le management ou la culture de l'entreprise)
- la comparaison entre les expériences de nombreuses équipes dans des entreprises ou des contextes différents, par exemple dans le cadre d'une étude statistique, permet de tirer des conclusions plus générales encore.
Pour l'instant il reste encore difficile de mener des études au-delà de l'échelle d'une seule entreprise (l'étude PPO de l'Institut étant une des rares initiatives dans ce domaine sur le sujet des pratiques Agiles), mais je trouve intéressante l'idée d'agréger les résultats de nombreuses rétrospectives.
D'une part le retour d'expérience est une forme très intéressante, et à juste titre mise en avant dans de nombreuses conférences: il permet à ceux qui y assistent de juger par eux-mêmes dans quelle mesure les résultats présentés peuvent être liés à des facteurs locaux ou sont potentiellement généralisables à leur propre contexte. De nombreuses pratiques Agiles se sont diffusées précisément de cette façon: parce que ceux qui les avaient expérimentées lors d'un ou plusieurs projets en on fait état lors d'une conférence, propageant l'idée à des personnes dans l'assistance qui, à leur tour, quelques mois ou années plus tard étaient venus présenter des résultats positifs à une prochaine édition.
Mais le retour d'expérience "véridique" est parfois difficile à distinguer d'un discours plus commercial. Sous couvert de dire "voici ce que nous avons fait et pourquoi, et comment ça s'est passé" j'ai trop souvent assisté à des sessions qui ressemblaient à une brochure publicitaire.
L'utilisation de rapports authentiques collectés lors des rétrospectives d'itération et de projet me semble être un très bon moyen de vérifier la sincérité d'un retour d'expérience.
En l'occurrence, chez PIA la démarche adoptée a été de comptabiliser les sujets qui revenaient le plus fréquemment lors des rétrospectives d'itération afin d'établir un "hit parade" des pratiques Agiles les plus discutées. Il en sortira au minimum un billet sur le blog de PIA, mais j'ai aussi insisté auprès de Ludovic pour qu'il envisage de proposer une session à une prochaine conférence.
Cette conversation m'a également donné une idée pour une exploitation un peu plus formelle des rétrospectives d'itération que je vous exposerai dans un prochain billet.