Lors de mes interventions (par exemple dernièrement pour Agile Tour Nancy) sur le sujet que j'ai abordé au fil des précédents billets, il y a toujours un moment ou je sais que j'arriverai à tirer un rire de toute la salle: je viens de rappeler la date de naissance du Génie Logiciel et le contexte de sa création, celui de la "crise du logiciel".
Il n'y a plus qu'à lancer un constat: "Heureusement, nous avons tous remarqué que la Crise du Logiciel est maintenant résolue." Effet garanti.
Quels étaient effet les symptômes de ladite Crise en 1968? Dépassement de délais, mauvaise qualité, inadaptation des logiciels aux besoins des utilisateurs...
Que peut-on observer en 2010? Qu'il existe encore des projets comme Chorus. Si vous n'en avez jamais entendu parler, je vous conseille de vous documenter: c'est de votre argent qu'il s'agit, puisque Chorus est le nouveau système d'information destiné à toutes les administrations françaises. Le projet prévu sur quatre ans démarre en Mars 2006, son coût annoncé aux parlementaires à l'origine est déjà important: 600M€.
Dès le début 2008 apparaissent les premières dérives et l'on apprend que des retards sont à envisager, que le budget serait dépassé. Fin 2008, une "mise au point" du ministère permet d'apprendre qu'en fait le budget communiqué ne tenait pas compte des coûts de fonctionnement, chiffrés à 100M€ annuels sur cinq ans: la facture serait donc de 1,1Md€. Un petit oubli, en somme. (Un rapport parlementaire de juillet 2010, un peu inquiétant, recommande "d'actualiser l'évaluation du coût complet de Chorus" - ce qui laisse supposer que ce coût réel est encore inconnu à l'heure actuelle...) Les délais s'accumulent, et dès 2009 Chorus qui devait être déployé entièrement à partir de 2010 se voit repoussé à janvier 2011, et ce malgré une révision à la baisse de ses objectifs fonctionnels.
Il y a pire: Chorus... ne fonctionne pas. Plus exactement son installation perturbe le paiement des factures aux fournisseurs des administrations. Alors que l'Etat gronde le secteur privé sur les délais de paiement, son propre système d'information met en difficulté de très nombreuses PME qui se retrouvent dans l'incapacité d'encaisser leur dû: un comble! Est-ce une difficulté transitoire? C'est en tout cas un transitoire qui dure... et la Cour des Comptes émet des réserves sur l'éventualité que Chorus puisse un jour assumer pleinement la comptabilité de l'Etat français.
Alors, oui, cela fait rire, de constater que quarante ans après, les méthodes proposées par le Génie Logiciel, loin d'avoir résolu la crise, semblent contribuer à la perpétuer: c'est évidemment un rire jaune.
Pourtant force est de constater que le Génie Logiciel se porte bien. On enseigne toujours le cycle en V dans les universités: voici un exemple, notez cependant qu'à l'heure où j'écris ces lignes il vous sera nécessaire de défiler plusieurs pages d'avertissements PHP avant de lire le descriptif de cette unité d'enseignement. (Tout un symbole...)
Comment comprendre cette situation dominante occupée par le Génie Logiciel? Et quelle grille de lecture nous permettrait de mieux appréhender le positionnement des approches Agiles dans ce débat? J'ai trouvé un certain nombre d'explications dans les thèses de Christensen, auteur de la Théorie de la Rupture. Ce sera le sujet du prochain billet.
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